Vendredi dernier, notre beau département a morflé.
Vers 21 heures, on s'hydratait sur la terrasse, flagada d'une journée en ville par 35 à l'ombre. L'orage tournicotait au loin, mais pas méchant, roulades, pétarades, fusées roses, de l'orage d'opérette. De la gnognote. Pas de quoi s'en faire, surtout avec cette brise divine qui nous rafraîchissait les moiteurs. l
Le temps que je sente une goutte, deux gouttes, et c'est l'apocalypse. Un vent fou renverse tout, le parasol saute en l'air, des grêlons aussi gros que des abricots nous mitraillent presque à l'horizontale, j'en reçois un sur mon nez qui n'avait nul besoin d'une augmentation de volume, mon mari s'en prend un dans son vin, le verre pète, la Lili file dans la grange en aboyant de détresse, des paquets de feuilles mêlées de grêle nous flanquent une raclée sévère pendant qu'on galope vers la cuisine.
Trempés, ahuris mais à l'abri, on regarde. Dans une bourrasque incroyable, tout le jardin défile : roses et hortensias volants, coussins en piqué, branches petites et grosses tournant comme des pales d'hélico, et des feuiiles, des feuilles, des feuilles. Une chaise se traîne en raclant le sol, se soulève, disparaît cul par-dessus tête. Des tuiles dégringolent devant la porte, un énorme pot de fleurs se balance comme un culbuto, des OVNI passent plus ou moins haut dans un déluge de grêle assourdissant, la terre en est blanche. On regarde toujours, on n'y croit pas.
Et on écoute aussi. Parce qu'au niveau sonore, ça y va ! Des choses craquent, sonnent, explosent, geignent, ricanent même. Mon mari murmure : "Les bagnoles sont en train de déguster..." puis : " Ce bruit, là, c'est la serre que je viens de finir..." puis : " Et un morceau de toiture, un..."
On a connu des tremblements de terre en Turquie, les pluies équatoriales du Kenya, un petit tsunami au Vietnam, entre autres. Mais, dans notre calme Périgord, c'est une première de cet acabit. La tempête n'aura duré que dix minutes ( avec une récidive vers minuit ) mais chapeau ! De la belle ouvrage ! Tout haché menu, plus de fruits, de légumes, des arbres décapités, des maisons plus ou moins inondées, pas mal ravagées. Les médias parlent de classement en catastrophe naturelle. Nous avons de gros dégâts, oui, mais je pense à ceux qui vivent ici des pommes, des noix, du maïs pour le bétail, des potagers.
Mon voisin, venu aux nouvelles, soupirait beaucoup devant mon jardin, mon toit, mes voitures, mais il est reparti en me disant : "C'est quand même moins pire que cette merde de cancer qui est en train de tuer ma mère".