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5 août 2013 1 05 /08 /août /2013 14:32

 

                2601650980_a3e045196f.jpg                                                                                

 

 Vendredi dernier, notre beau département  a  morflé.                                                        

 

 Vers 21 heures, on s'hydratait sur la terrasse, flagada d'une journée en ville par 35 à l'ombre. L'orage tournicotait au loin, mais pas méchant, roulades, pétarades, fusées roses, de l'orage d'opérette. De la gnognote. Pas de quoi s'en faire, surtout avec cette brise divine qui nous rafraîchissait les moiteurs.  l                                                                                                                                                                                                                             

 

Le temps que je sente une goutte, deux gouttes, et c'est l'apocalypse. Un vent fou renverse tout, le parasol saute en l'air, des grêlons aussi gros que des abricots nous mitraillent presque à l'horizontale, j'en reçois un sur mon nez qui n'avait nul besoin d'une augmentation de volume, mon mari  s'en prend un dans son vin, le verre pète, la Lili file dans la grange en aboyant de détresse, des paquets de feuilles mêlées de grêle  nous flanquent une raclée sévère pendant qu'on galope vers la cuisine.

 

Trempés, ahuris mais à l'abri, on regarde. Dans une bourrasque incroyable, tout le jardin défile : roses et hortensias volants,  coussins en piqué, branches petites et grosses tournant comme des pales d'hélico, et des feuiiles, des feuilles, des feuilles. Une chaise se traîne en raclant le sol, se soulève, disparaît cul par-dessus tête. Des tuiles dégringolent devant la porte, un énorme pot de fleurs se balance comme un culbuto, des OVNI passent plus ou moins haut dans un déluge de grêle assourdissant, la terre en est blanche. On regarde toujours, on n'y croit pas.

 

Et on écoute aussi. Parce qu'au niveau sonore, ça y va ! Des choses craquent, sonnent, explosent, geignent, ricanent même. Mon mari murmure : "Les bagnoles sont en train de déguster..." puis : " Ce bruit, là, c'est la serre que je viens de finir..." puis :   " Et un morceau de toiture, un..."

 

On a connu des tremblements de terre en Turquie, les pluies équatoriales du Kenya, un petit tsunami au Vietnam, entre autres. Mais, dans notre calme Périgord, c'est une première  de cet acabit. La tempête n'aura duré que dix minutes ( avec une récidive vers minuit ) mais chapeau ! De la belle ouvrage !  Tout haché menu, plus de fruits, de légumes, des arbres décapités, des maisons plus ou moins inondées, pas mal ravagées. Les médias parlent de classement en catastrophe naturelle. Nous avons de gros dégâts, oui, mais je pense à ceux qui vivent ici des pommes, des noix, du maïs pour le bétail, des potagers.

 

Mon voisin, venu aux nouvelles, soupirait beaucoup devant mon jardin, mon toit, mes voitures, mais il est reparti en me disant : "C'est quand même moins pire que  cette merde de cancer qui est en train de tuer ma mère".     

 

 

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23 juillet 2013 2 23 /07 /juillet /2013 14:37

Comme nous étions nombreux à la maison ces derniers temps et que le temps le permettait, nous avons beaucoup vécu dehors. Pas de soirée télé, on avait mieux à faire, d'abord parce qu'un coup d'oeil sur les programmes aurait donné envie de fuir même sous une pluie battante, ensuite parce que, justement, il ne pleuvait pas  et que, à l'heure où les grands fauves vont boire, on attaquait l'apéro sur la terrasse avec prolongations de plancha-salade-rosé. Jusqu'à la minute divine où on allait au dodo, marre de piquer du nez sous la lune, assez bu, assez mangé, assez discuté, bonne nuit, à demain. Soirées banales d'un été français où chacun expose en sirotant sa théorie infaillible pour sauver la planète, faire baisser le chômage et le prix du pinard.

 

Et puis tout le monde est reparti dans l'tourbillon d'la vie.

 

Il y a trois jours, après quelques machines  draps-serviettes, après évacuations bouteilles-poubelles, après rangements indispensables pour reprendre une vie normale jusqu'aux prochains arrivages, on s'est calés sur le canapé et mon mari a mis les infos. On voulait quand même savoir comment allaient  Le Caire, Damas, Bagdad, entre autres.

 

On a eu vingt minutes sur le bébé royal anglais, dix minutes sur le pape à Rio, cinq minutes sur la façon de préserver les enfants et les vieux du coup de chaud  ( je donne le scoop : sauf si on veut s'en débarrasser, il faut éviter de les abandonner en plein cagnard, sans arrêt les mouiller et leur donner à boire), dix minutes sur les autoroutes engorgées (là encore, révélation : excepté pour les amateurs de bouchons, il vaut mieux partir en vacances en octobre). Plus un documentaire de deux minutes sur un très joli canal je ne sais plus où, qui a l'immense mérite  d 'avoir été creusé sous une succession de tunnels. La vue est sans surprises mais on navigue presque toujours à l'ombre, l'eau est vert poireau,  les éclusiers chantent en patois leur bonheur d'être éclusiers, les bistrotiers des quais font fortune grâce aux touristes allemands qui adorent la bière du coin. Pour finir, un pot-pourri de trois minutes : quelques pipoles sont montés sur les planches  à Avignon, un couple a été massacré au couteau dans son lit, nos ministres bossent à Paris malgré la canicule, attention aux cambriolages en milieu rural, Michelle Obama laisse pousser sa frange.

 

Zappe toujours, voilà les infos ! A part bien sûr, les chaînes spécialisées mais on était fatigués, on a juste regardé les derniers attentats, vite fait, bonne nuit les petits.

 

Et puis  le train espagnol a déraillé..

 

 

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12 juillet 2013 5 12 /07 /juillet /2013 14:31

Cinq semaines que je ne suis pas venue sur mon pauvre cher blog !

 

Et trois explications :

 

1- j'ai FINI mon troisième bouquin. FINI. Cinq heures par jour, parfois plus, sur l'ordi que je maîtrise très moyennement, c'est épuisant. Impossible de penser à autre chose. Mais là, ça y est, c'est parti... En plus, je tiens un joli titre.

 

2- les salons du livre dans ma belle région m'ont occupée pour y présenter mes deux premiers bébés. Satisfaisant !

 

3- la saison des mariages et autres festivités a repris... Oh, les beaux châteaux ! Oh, les vieilles églises ! Oh, les buffets délicieux sous les tilleuls ! A la dernière noce, j'ai voulu frimer en mettant des talons hauts, trop hauts pour mon genou opéré qui me l'a fait savoir très vite. Vanité des vanités, j'ai compris ma douleur.

 

J'espère qu'on me pardonne mon long silence. (A moins qu'on s'en fiche royalement. Vu que l'été est enfin là, on a autre chose à faire. Moi, en tout cas, j'ai très envie de m'y remettre, avis aux amateurs )

 

 

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28 mai 2013 2 28 /05 /mai /2013 15:31

PORTAIL.jpgJe rentre de la ville.

 

Sur la route, à la sortie d'un virage, stop : travaux de fauchage, l'herbe est grasse par ces temps humides et il faut bien dégager les fossés pour la visibilité. On attend un peu sous une fine pluie serrée et comme ça dure, on coupe les moteurs.

 

A droite, un coteau jaune de pissenlits. Au fond, une ancienne voie ferrée envahie de buissons. Tout contre, de l'autre côté, une falaise. J'ai l'impression que les rails ont été construits au pied de cette muraille de pierre comme si elle offrait un tracé facile et un abri. En haut, sur le plateau, des vaches chocolat regardent passer les voitures sur la nationale.

On redémarre doucement. Le vallon devient  de plus en plus étroit, on ne voit plus la vieille ligne de chemin de fer en bas,  elle est trop encaissée et on est trop haut. Et comme on s'est rapprochés de l'escarpement, les veaux ont repéré le bouchon qui s'ébranle et s'excitent en sautant de travers. On avance.  

 

Soudain, je pile. Sans penser à la bagnole qui me colle et manque de m'emplafonner dans des hurlements de klaxon furibards. Oui, oui, je mérite une engueulade  mais il faut que je voie si j'ai bien vu. Je me gare sur le bas-côté. On me double, pneus miauleurs, queue de poisson, doigt d'honneur. Va te faire ...

 

Entre les gouttes et les nuages, un rayon de soleil vient d'éclairer un homme, seul au bord de la falaise en face, en train d'installer un portail. Il a posé deux poteaux et il finit de fixer les battants sur leurs gonds. Derrière lui, une vilaine baraque au milieu d'un terrain vague sans clôture.

 

Comme c'est intéressant ! C'est la première fois que je vois poser une porte au bord du vide.MAISON BRULEE

Celui qui la franchira n'en reviendra pas, c'est le mot : elle donne sur un à pic d'une bonne trentaine de mètres. Mais on peut dire que c'est une belle porte, tout de même, double vantail, fer forgé grand siècle, peinte en rouge. La masure n'en demandait pas tant, genre préfabriqué bas de gamme, toute moisie, un volet arraché, quelques tuiles en bataille. Elle doit s'en trouver ragaillardie, la mignonne, à moins que ça lui fasse honte, cette entrée de château... Et puis à quoi rime une porte quand il n'y a rien à droite ni à gauche, ni haie de thuyas, ni barbelé, ni murette, ni rambarde ? On peut s'en passer ! Et se jeter d'où on veut sur les rails du petit train disparu, sans avoir besoin de l'ouvrir, pas la peine ! Dommage que le monsieur soit trop loin et qu'un abîme nous sépare, je lui aurais bien causé de cette porte !  Au fond, c'est peut-être mieux, je vais pouvoir rêver.

 

Je repars. Cole Porter finit en beauté, c'est les infos. Paris nettoie les dégâts de la manif, Damas flambe, Bagdad est rouge de sang, le pauvre Nigeria est deuxième buveur de champagne au monde, le cyclone américain va coûter... je coupe la radio. J'ai parlé de rêver ?

 

Quand j'arrive chez moi, la cuisine grande ouverte est glacée. La chienne, toute fière d'avoir réussi à actionner le bec de canne, n'a pas le temps d'éviter mon coup de pied au cul pendant que je hurle comme une malade : "Merde ! La porte !"     

 

 

 

 

 

 

 

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18 mai 2013 6 18 /05 /mai /2013 15:53

CHASSEUR.jpgJe rentre de chez ma voisine.

 

Depuis une semaine, j'essayais de lui téléphoner mais y avait jamais person qui répondait et ça coupait. Comme elle ne va pas trop fort, fatiguée par des traitements de cheval suite, comme on dit, à une longue et douloureuse maladie, j'étais inquiète. Je  suis donc allée la voir. Les dépanneurs sortaient de chez elle, la ligne était de nouveau opérationnelle. D'où elle venait, cette panne ? j'ai demandé. Et je pense que l'anecdote peut distraire un instant de l'infâme météo. 

 

Les réparateurs avaient tout de même eu besoin de trois visites et de deux équipes pour trouver le pourquoi du comment.  Check-up total de la maison, câbles, appareils, branchements, tout fonctionnait. Mais impossible d'obtenir un numéro et toujours aucune sonnerie, pas le plus petit soupir, ce chameau de récepteur restait muet, sourd à tous les tests. De quoi devenir fou. Furax et vexé, le chef de groupe a donc décidé d'aller enquêter à l'extérieur puisque l'installation intérieure était nickel. Et qu'est-ce qu'il a trouvé ?

 

A quinze mètres de la maison, juste avant le premier poteau, se balançant dans le ciel, bien au chaud dans la gaine du fil téléphonique, un plomb de chasse avait tout détraqué. Pas une grosse chevrotine, non, un simple plomb de chasse ! Le type n'en revenait pas, du jamais vu, jamais ! Hein, les mecs, jamais ? Et ses hommes disaient tous comme lui. Ma voisine était contente, elle se demandait s'ils y arriveraient, ouf ! Elle allait pouvoir appeler sa fille pour lui raconter.

 

Moi, j'adore le hasard qui a fait se rencontrer un si petit fil et un si petit plomb. Fascinant ! Incroyable ! Parce que même le plus formidable tireur d'élite aurait du mal à toucher ce type de cible, on est d'accord ? Surtout qu'il faut compter avec le vent qui s'amuse à secouer le câble. Guillaume Tell à côté, ça ne vaut pas une pomme. Buffalo Bill, pas une oreille ni une queue de  bison. Donc je ne crois pas qu'on puisse penser à un acte de malveillance ni à un jeu débile, trop difficiles à réussir. C'est juste une extraordinaire trajectoire, l'idéal de l'archer, le rêve du tueur à gages. Une balle pas du tout perdue ! 

 

Et la preuve que, si un beau faisan ou un vilain corbeau les narguent, nos amis chasseurs oublient parfois  l'interdiction de tirer à moins de cent mètres des habitations, même en l'air... 

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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 09:52

proust.jpgHier, magnifique journée avec soleil et gentille brise douce sur un "petit" salon du livre, à quelques kilomètres seulement de ma maison. Et, à signaler, vu l'état des finances de notre pauvre France, particulièrement dans nos campagnes, ventes honorables pour mes deux bouquins :"Alarga !" et "La table du pacha" ont trouvé preneurs...

 

A signaler aussi, deux commentaires de lecteurs.

 

Une jeune femme : "J'aime vraiment beaucoup ce que vous écrivez, vous faites voyager, c'est érotique et on rit aussi souvent qu'on pleure. Bravo ! Vous avez un troisième livre en chantier, j'espère ? Il va sortir quand ? Je l'attends !"  Une douce vanité me plaque un sourire idiot et la merveilleuse continue : " Donc, encore bravo ! Mais... est-ce que je peux vous faire une remarque ? Oui ? Bon, ne vous vexez pas mais je trouve que parfois vos phrases sont trop courtes. Sèches. On les prend comme une claque et ça coupe l'émotion. Je voulais vous le dire parce que, pour moi, c'est un artifice de style, un parti pris, et du coup, je tique comme si j'entendais une fausse note. Excusez-moi mais c'est vraiment ce que je ressens... Alors que je me régale de vos descriptions, c'est sensuel, ample, vos mots s'enchaînent, pleins d'images , de bruits, de couleurs, et on est embarqué. C'est là que je vous trouve la meilleure, sans aucun doute ! Mais vos petites phrases genre télégramme, franchement..."

Je remercie, c'est une bonne critique, je vais y réfléchir.

 

 

duras 

Un monsieur dans la fleur de l'âge : " Je suis heureux de vous rencontrer, j'ai lu vos deux livres, j'aime beaucoup, je les ai prêtés ou fait acheter à des amis qui ont aimé aussi, à une exception près, la même pour tous. Je peux me permettre ?  Vous êtes très efficace quand votre écriture est dépouillée, rapide, sans fioritures. Je parle de vos phrases brèves, ça percute. C'est moderne, quoi ! Je n'en dirais pas autant de vos envolées lyriques, j'en ai compté plusieurs de plus de dix lignes, presque sans virgule. C'est long, pesant, même ! Je trouve, et je ne suis pas le seul, que ça ralentit, ça casse le récit, ça fait un peu ringard à notre époque où tout va si vite... Alors que vous tenez si bien le rythme par petites touches courtes !  Ne le prenez pas mal, c'est subjectif, et si j'ose vous en parler, c'est parce qu'en fait, j'adore ce que vous faites et je voudrais adorer encore plus..."

Je remercie, c'est une bonne critique, je vais y réfléchir.

 

Réflexion faite, si j'avais voulu me prendre pour Marguerite Duras ( deux mots, un point ) ou Marcel Proust ( deux pages, un point ), c'est loupé de chez loupé...

 

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22 avril 2013 1 22 /04 /avril /2013 15:18

poulidor.jpgUn dernier souvenir d'hôpital qui ne devrait pas trop vous attrister, j'en prends le fou-rire, rien que d'y repenser...

 

La scène se passe au centre de rééducation (qui, je ne le répèterai jamais assez, a été d'une efficacité remarquable : je conjure tous ceux qui auraient à passer par la même opération que moi de suivre ce genre de soins, il y va de leur autonomie, leur moral, leur vie APRES, sans exagérer). On est en fin d'après-midi et les traumatisés du genou n'en peuvent plus après six heures de massages, exercices, piscine balnéo. C'est souverain mais épuisant !

 

Seul, Monsieur Fanfan, quatre-vingts ans sonnés, est encore sur un vélo. Il s'entraînera jusqu'à la dernière minute, il veut remarcher, recourir, redanser, c'est magnifique de le voir pédaler et un peu soûlant de l'entendre commenter ses progrès entre deux chansons. "La semaine dernière, je faisais encore du Poulidor mais là, ce gros enflé d'Armstrong a qu'à bien se tenir. Surtout que je me dope qu'au Ricard, moi ! Regardez-moi cette flexion, ce déroulé, même pas mal !" Et il entonne "Quand on allait par les chemins...à bicyclette", faux mais fort. C'est un battant.

 

Les autres, pourtant plus jeunes en majorité, sont échoués K.O. sur les divans de soins ou fixent le vide, encore installés sur les rameurs. Ils ont leur dose. On va avoir le droit de monter se changer et rentrer chez soi dans quelques minutes, ça suffit pour aujourd'hui. 

 

Monsieur Fanfan, en pleine forme, attaque une côte en danseuse. Il  crie "Bon pour le Galibier !" avant de nous brailler "La danse des canards" en tortillant du cul. Personne ne réagit. En peut plus. 

Et soudain il s'immobilise sur sa selle, l'oeil vrillé sur quatre malheureux, affalés en rang d'oignon sur les quatre chaises près de la porte. Ils sont voûtés, joggings de travers, pieds en dedans, cannes anglaises en bataille par terre, regards tournés vers la pendule dans une pose d'attente exténuée, implorante.

"Ah, ah, ricane Monsieur Fanfan, vous attendez le bus ? Passera pas ! Feriez mieux de profiter de ce que la Sécu vous offre, bande de feignasses !" Et un des insultés murmure sans même lever la tête : " La Sécu, à cette heure-ci, elle te dit merde, la Sécu. Et dommage que j'aie plus la force de t'envoyer mon poing pour te fermer ta gueule !"

 

Heureusement, la sonnerie fait lever tout le monde, clopinant vers les ascenseurs. Monsieur Fanfan, inconscient du danger auquel il vient d'échapper, ferme la marche. Il en remet même une couche avec "On est les champions, on est les champions, on est, on est, on est les champions."

 

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15 avril 2013 1 15 /04 /avril /2013 15:44

Iznogoud.jpgIl était une fois un kiné déjà vieux et très malheureux. Je l'ai rencontré à l'hôpital où on a, je l'espère, donné une deuxième chance à mon genou gauche.

 

Je n'ai été opérée que deux fois mais je sais que dans un service hospitalier la hiérarchie est stricte. J'ai pu constater, lors de mes promenades béquillardes, combien elle est visible. Il ne faudrait pas qu'on risque de confondre un grand chirurgien  avec un aide-soignant. 

 

Un roi du bistouri se reconnaît donc au premier coup d'oeil à sa façon d'arpenter les couloirs dans toute la majesté de sa réputation, regard inspiré, parfait rasage parfumé, foulées larges et chaloupées, suivi de sa cour d'étudiants trottinants, muets, visages suspendus aux rares oracles qui pourraient tomber de la bouche de Dieu. Et si parfois il arrive que Dieu s'arrête, chacun peut admirer, sous sa blouse blanche négligemment entrouverte, la chemise et la cravate griffées, le merveilleux jean  italien. Les manches retroussées permettent à la grosse montre design de prendre la lumière et les mocassins silencieux ne viennent pas de chez Tati. Un tableau de grand prix. Mais c'est sans ostentation, on sent l'aisance que donne l'habitude des belles choses, une élégance subtile, un peu distraite, ou condescendante, du grand art.

 

La troupe des sans-grade n'a pas cette allure, bien sûr ! Les agents de nettoyage, aide-malades, stagiaires en tout genre,( ces "serpillothérapeutes"  comme les appelle un de mes amis drôle et méchant ), se permettent des T.shirts à message,  font couiner des sabots en plastique de toutes les couleurs, poussent en rouspétant des chariots à linge, balais, poubelles et, s'ils croisent un patron et sa suite, s'aplatissent humblement contre le mur en garant leur barda pour laisser passer. Avant de déballer des histoires cochonnes sur les chefs, à peine le dos tourné, avec des détails bien gras et des explosions de gaîté. Le peuple, quoi ! 

 

Le deuxième matin, galopade devant ma porte, rires. J'entends : "Voilà Iznogoud !  Iznogoud arrive !"  Et un homme en blouse blanche entre dans ma chambre. Il me salue avec hauteur et m'annonce qu'il va m'aider à faire mes premiers pas. Je dis sans malice :"Vous êtes donc mon kiné ?" et une expression de grande souffrance voile les yeux du monsieur qui ne répond pas. Il me fait lever et je pose mon pied opéré par terre. Il me montre comment utiliser les cannes, sans trop desserrer les dents, avant d'attaquer d'un ton que je qualifierais d'un peu m'as-tu-vu. "Je ne m'occuperai pas de vous jeudi, j'anime un séminaire à Bordeaux. Ni samedi, nous serons, mon épouse et moi, dans notre chalet à Courchevel". Et il me glisse un oeil, histoire de voir si j'ai entendu ce qu'il veut que j'entende. Je demande juste qui me fera faire mes exercices. "Mon assistant. Il  me remplace souvent, je suis très pris."

 

Quand je le revois deux jours après, je me dis que c''est vrai, il ressemble vaguement à Iznogoud, le vizir de bande dessinée qui veut être calife à la place du calife. De petite taille, un long nez busqué, le teint sombre, des yeux noirs enfoncés, oui, mais de là  à ce que l'étage lui ait donné son surnom, pas flagrant. 

Et je réalise soudain que c'est autre chose ! Il regarde à peine ma patte malade mais parle beaucoup. De sa chasse en Sologne, de ses amis cardiologues à Paris, de leurs bateaux où ils l'invitent, des palaces où il va festoyer avec le Conseil de l'Ordre. Il faut que je sache qui il fréquente, il est l'égal des gens de la Faculté, leur copain, c'est son monde, il en est !  Et il se gargarise, et il prend les mêmes poses, croit-il, que ces pontes devant qui tout un hôpital s'incline ! Il est sur le point d'atteindre la classe folle d'un  professeur de médecine, il en est ! En tout cas, il y travaille, sûr...

Mais la cravate à rayures sur une chemise à carreaux, les chaussures en gros daim crissant, la chevalière de premier communiant, un accent traînant sur les finales, tout me fait penser à la chanson de Brel sur  "ceux qui voudraient bien avoir l'air mais qu'ont pas l'air du tout". Même l'étiquette de sa poche de poitrine est révélatrice : sa profession, kinésithérapeute, est écrite sous son nom en si petit qu'on ne peut pas la lire. Et je réalise le drame de cet homme qui voudrait tellement qu'on le prenne pour ce qu'il a toujours rêvé d'être et qu'il ne sera jamais. Pas calife, non,  juste  DOCTEUR ! Et qu'il sorte du mépris où il croupit avec les infirmiers, lui, le simple  masseur...  

 

Iznogoud ! Comme le petit personnel l'a bien percé à jour ! Et comme j'ai dû lui faire mal quand je l'ai tout de go traité de kiné ! Alors quand il m'a resservi son discours sur ses relations, ses vols en première, ses colloques-piscines au soleil, j'ai fixé les poils de ses longues oreilles et je lui ai dit qu'il avait une belle vie.

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9 avril 2013 2 09 /04 /avril /2013 16:08

panthere.pngSi j'avais gardé encore un doute sur l'ampleur de LA crise, avec la tentation de jouer les autruches, tête dans le sable et plumes de croupion au vent  ( pour ne rien voir ou faire comme si ), les derniers salons du livre me l'auraient sortie du sable, ma tête, et me les auraient décoiffées, mes plumes ! Tout ce que j'ai entendu est inquiétant, très inquiétant et ce n'est pas parce que je le savais que je vais parader : j'avais raison, oui, d'être sans illusions... mais il aurait mieux valu que j'aie tort.

 

Qu'on juge : les ventes de romans sont en chute libre, comme les ouvrages d'art, les livres pour enfants, les pièces de théâtre, ne parlons pas de la poésie... Quelques polars, pas tous, il y en a tellement ! arrivent à trouver preneur ainsi que la BD, et les "pipoles" font un coup, parfois, sur des histoires de cul ou de fric, surtout si c'est du genre nauséabond. Les dix écrivains déjà confirmés, chapeau ou écharpe repérables, avec qui on se photographie, s'en sortent bien.

 

La faute aux prix, à Internet,  aux tablettes, à notre télé tellement stimulante pour l'esprit, à une mutation de notre société qui ne sait plus lire ni écrire, a oublié l'odeur des pages qu'on tourne et préfère le glissement des images sur un portable dernier cri ? On m'a donné toutes ces raisons et d'autres, aussi râbachées, aussi évidentes, aussi complexes. Moi, je ne suis sûre de rien. J'ai écouté sans rien dire de mauvais chiffres, de mauvaises prévisions. Même Gallimard, semble-t-il, a révisé ses tirages à la baisse. Plusieurs éditeurs m'ont parlé reconversion, pas le choix, plusieurs libraires m'ont avoué qu'ils ne savaient pas combien de temps ils tiendraient. Ce qui est sûr, c'est que le dernier jour, à Paris comme à Limoges, juste avant la fermeture, j'ai vu passer les palettes d'invendus : pleines ! Et ce n'est pas mon maigre succès (beaucoup d'auteurs n'ont RIEN vendu) qui me donne envie de rire.

 

Un sourire, tout de même, grâce à deux originaux qui se sont arrêtés à mon stand !

 

Elle a la soixantaine, une bouche en pizza, des cheveux courts très bleus, une énorme besace qu'elle traîne sur le sol derrière elle. J'explique. Elle ouvre de grands yeux. " La Turquie ? Vous écrivez sur la Turquie ? Je connais bien Istanbul, j'ai vu un reportage derviche.pngdessus, connaissance du monde, je crois. C'est moins sale que l'Afrique, non ? Mais le même boucan, non ? Et ces prêtres dans une mosquée qui dansent pendant des heures avec un bonnet pointu et une robe blanche, les termites (sic) tourneurs, vous voyez de quoi je parle... ça sent l'intégrisme, vous êtes d'accord ? Je n'aimerais pas assister à un truc pareil  ni goûter à leurs trucs épicés, j'ai l'estomac délicat;" Et elle sort de son cabas un sandwich-kebab qu'elle se met à dévorer en ajoutant : " Désolée, je ne vous achèterai pas vos bouquins ! J'ai vu là-bas pour douze euros une histoire des francs-maçons,  mon salopard de mari l'était, c'est plus à ma portée que tous ces Arabes !"

 

 

 

Il est sans âge, chauve, l'oeil allumé, un jogging couleur de sale temps avec "J'emmerde le monde entier" écrit en noir entre les omoplates. "La table du Pacha, votre livre, là, il parlerait pas de la Turquie, des fois ? Vous devez connaître, non ? Et vous devez savoir où acheter du raki ? Au Super U près de chez moi, terminé, y en a plus. Alors si vous pouviez m'en avoir, pas une caisse, non, juste de quoi y regoûter, je vous fais un chèque. Ma mère est arménienne, ces salauds d'Ottomans ont zigouillé une bonne partie de mes ancêtres en 1915 mais ça n'empêche pas que j'adore le raki. Allez, vous pouvez bien m'en avoir un peu, tout de même. Et puis, tenez, vous m'êtes sympa, je vais vous donner une info, à voix basse, penchez-vous, faudrait pas que ça filtre : je sais qui a tué Bérégovoy, je vous le dirai contre trois bouteilles de raki, voilà ma carte, contactez-moi, chut !"  Et il disparaît. Je crois entendre la musique de la panthère rose.         

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8 avril 2013 1 08 /04 /avril /2013 16:19

Depuis trop longtemps, presque deux mois, je n'ai pas rendu visite à mon cher blog.

 

J'en entends parmi vous s'indigner : "Paresseuse ! Plus d'inspiration ! Elle se fout pas mal de ses fidèles admirateurs !" Si seulement c'était que ça ! Ben non !

Le vrai du vrai ? Une opération du genou gauche, assez lourde, très douloureuse, suivie de cinq semaines de rééducation, merveilleusement efficaces mais épuisantes et, quand j'ai pu abandonner les cannes anglaises, salons du livre, quatre jours à Paris, puis à Limoges, avec les gueuletons de Pâques entre les deux, de quoi estourbir même un jeune boxeur pétant de santé. Alors, j'ai des excuses ou pas ?

 

Mais c'est du passé, tutti va bene, on va renouer... 

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Présentation

  • : Le blog de helene
  • : Après avoir vécu treize ans en Turquie, j'ai écrit en 2009 un roman ALARGA, traduit en turc et paru à Istanbul en novembre 2011 et un recueil de nouvelles LA TABLE DU PACHA qui vient de sortir en mars 2012. En général, on me dit que c'est vraiment dépaysant, très drôle, assez érotique... et personne ne croit que je suis française...
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