Dimanche 23 mars, 14 heures.
Je suis invitée au salon du livre de Paris sur deux stands, le premier de 11 à13 heures, le second de 15 à 18 heures. Ma prestation du matin terminée, je sors du hall et m'installe à une terrasse. On me sert une escalope innommable mais je crève de faim et je torche ma gamelle, pleine de pitié pour le veau qui a fini comme ça.
J'attends l'addition quand une dame me demande poliment si elle peut s'asseoir à côté de moi. Bien sûr !
Le garçon arrive. La carne qu'on m'a servie n'est pas donnée mais bon, faut raquer. Pour Paris, j'emporte toujours un vieux sac "spécial métro" que je porte en bandoulière sur mon ventre, par sécurité. Et comme il n'est pas très logeable, je prends une petite pochette zippée suffisante pour y mettre ma carte de crédit, trois sous, deux papiers d'identité.
Je viens d'y ranger ma monnaie quand ma voisine se penche vers moi : " Vous, vous connaissez la Turquie !". Je dis que oui, mais comment le savez-vous .. On me répond en montrant le petit porte-monnaie bleu que je n'ai pas encore rangé dans mon sac :"J'ai le même; On vend ça à l'entrée du Grand Bazar, non ?" C'est là en effet, à Istanbul, que j'ai acheté la chose, en coton brodé de tulipes copiées sur les faïences d'Iznik
Et là, il se passe un drôle de truc. La dame et moi, on se sourit et on commence à parler. Elle a vécu dix ans en Turquie, moi treize, elle y était prof, moi aussi, on s'est ratées de quatre ans. Elle adore l'Anatolie, la Mer Egée, moi aussi. On se raconte des anecdotes, on rit, on parle de l'actualité là-bas, on rit moins. On a rencontré les mêmes écrivains, les mêmes journalistes, on a vu les mêmes films, les mêmes merveilleux monuments, on s'envoie des noms, elle prononce le turc moins bien que moi, sans me vanter, mais on s'en fiche, on est lancées, intarissables. On se connaît depuis quand, déjà ?
Elle finit par me demander ce que je fais là. Je réponds que j'ai écrit deux bouquins qui se passent en Turquie et que je suis en dédicace au salon en face, d'ailleurs va falloir que j'y aille, ça fait déjà presque une heure qu'on papote ! La dame se lève:" Je veux acheter vos livres, maintenant, mais je n'ai plus de billet d'entrée..." Moi, j'ai deux invitations, on y va.
Il doit y avoir un million de personnes qui se retrouvent chaque jour porte de Versailles en cette période de salon et voilà sur qui je suis tombée ! Improbable rencontre, certes ! Mais quel plaisir ! Et cette impression de nostalgiques retrouvailles avec quelqu'un que je n'avais jamais vu... Merci ma petite pochette bleue, merci !
Maintenant, reste à espérer que ma lectrice ne regrettera pas d'avoir acheté mes œuvres... Elle vient de me jurer sur Fesse de Bouc qu'elle me dira la vérité, toute la vérité.